Julien Vaïssette
Fanatique d'Excel, adepte de Camus & ingénieur en mécanique — Posez-moi toutes vos questions à l'adresse julien@construire-sa-moto-electrique.org, ou en cliquant sur ce lien.
Le moteur brushless est le moteur que l’on retrouve dans quasiment tous les véhicules électriques. Mais ce n’est pas forcément une bonne nouvelle. Voilà pourquoi.
Tout au long de votre lecture, gardez en tête que mon adresse e-mail est publique, et que vous pouvez m’écrire à tout moment. La voici : julien@construire-sa-moto-electrique.org.
Vous recevrez une réponse de ma part aujourd’hui (ou demain au plus tard).
L’écrasante majorité des objets qui fonctionnent grâce à un moteur électrique sont aujourd’hui mis en mouvement par un moteur brushless.
On les retrouve dans nos perceuses, dans nos drones, dans nos vélos à assistance électrique, et bien sûr dans nos motos et nos voitures électriques. Tous ces véhicules étant de plus en plus nombreux et connaissant l’avenir qu’on leur promet, les moteurs brushless ont donc de beaux jours devant eux.
Mais comme dans toute situation de monopole, il est indispensable de se poser les bonnes questions.
Par exemple, peu d’utilisateurs de véhicules électriques ou de vélos à assistance électrique savent comment fonctionne le moteur brushless qu’ils utilisent au quotidien. Encore moins nombreux sont ceux qui connaissent les raisons qui rendent leur moteur brushless si performant.
Et c’est sans compter l’opacité étonnante qui entoure les impacts désastreux des terres rares présentes dans ces moteurs.
Autrement dit, les moteurs brushless jouissent aujourd’hui d’une méconnaissance quasi-totale de la part du public. Et j’ai la désagréable impression que leurs fabricants en profitent allègrement, puisque notre ignorance collective leur permet de faire leur tambouille à l’abri des regards scrutateurs.
J’ai donc décidé de lever ce voile qui profite aux moteurs brushless.
Et dans cet article, je vais tout vous présenter à leur propos.
Vous apprendrez tout à propos de leur élégance technologique, des raisons de leur hégémonie, mais aussi de leur empreinte environnementale discutable.
Si bien qu’à la fin de cet article, vous saurez si le moteur bruhsless qui équipe votre Toyota Prius ou votre perceuse Bosch est une terrible erreur.
Ou pas.
Les terres rares sont dans (presque) tous les moteurs électriques : les moteurs de Tesla, les moteurs de motos électriques, et même les moteurs de vélos électriques.
Et pour comprendre l’ampleur du phénomène, j’ai lu énormément de littérature scientifique sur le sujet.
Le problème, c’est qu’aucune de ces analyses et études scientifique ne prend en compte l’avis des personnes les plus concernées par le sujet des terres rares : vous et moi, les usagers, automobilistes et motards.
Alors j’aimerais savoir ce que vous pensez des terres rares.
J’ai préparé un questionnaire très court (5 questions), qui vous prendra probablement moins de 2 minutes à compléter.
Vous pouvez y répondre en cliquant sur ce bouton :
Grâce à vos réponses, j’aurai une idée claire de ce que vous pensez des terres rares – et je pourrai m’appuyer là-dessus pour continuer la conception de mon prototype de moto électrique.
Avant d’en arriver aux considérations que je vous promets en fin d’article, nous allons devoir zoomer un petit peu sur les moteurs brushless pour savoir comment ils fonctionnent.
Car quand on espère répondre aux grandes questions, on doit d’abord commencer par les bases.
Picasso n’aurait jamais été Picasso s’il ne maîtrisait pas aussi bien les techniques de peinture classiques. Einstein n’aurait jamais été Einstein s’il n’avait pas étudié les mathématiques. Et Carlos Ghosn n’aurait pas été Carlos Ghosn s’il avait été honnête.
Entamons donc notre périple en étudiant les bases des bases : le fonctionnement du moteur brushless.
Le fonctionnement du moteur brushless repose sur le passage d’un courant alternatif dans des électroaimants (situés dans le « stator »), afin de faire tourner un « rotor » garni d’aimants permanents.
C’est simple non ?
Non, évidemment, ce n’est pas simple du tout.
Pourtant, c’est ce type de paragraphe qu’on retrouve dans la majorité des articles qui traitent du sujet. Il est toujours agrémenté de ce niveau de complexité terrible, savamment alourdi par un jargon opaque.
Or jargonner n’est pas mon ambition.
Je préfère utiliser des mots simples et pragmatiques, car ils permettent d’aller bien plus en profondeur.
Alors voilà ce que je vous propose : dans les prochains paragraphes, nous allons décortiquer ensemble en détails le fonctionnement des moteurs brushless, et nous allons le faire sans jargon inutile.
C’est-à-dire que vous ne trouverez aucun mot compliqué qui peut être remplacé par un mot plus simple. Et tous les autres mots compliqués auront été préalablement définis. De cette manière, pas de chichis entre nous.
On ne cherche pas à paraître intelligents, on veut comprendre le fonctionnement des moteurs brushless.
Et vous verrez qu’on y arrivera bien mieux que dans tous les manuels théoriques illisibles.
Pour comprendre le moteur brushless, il faut revenir à son objectif primaire.
Je ne vous l’apprends pas, sa mission est simple : tourner.
Et pour tourner, il faut toujours deux éléments. Celui qui nous intéresse le plus – puisque c’est lui qui attire notre attention – c’est l’élément qui tourne. Mais il serait incapable de tourner s’il n’y avait pas un autre élément, dont l’objectif est de rester fixe afin de guider la rotation.
Dans un moteur brushless, ces deux éléments portent deux noms que vous avez forcément entendu auparavant :
En ayant présenté ces deux acteurs, nous avons les fondations de notre moteur brushless.
La suite, c’est de se demander comment entraîner la rotation du rotor. Il y a mille solutions possibles, que l’on retrouve dans les moteurs à combustion interne ou dans les turboréacteurs.
Mais dans le cas du moteur brushless, la solution qu’on utilise porte un nom simple : l’aimant.
En effet, l’aimant a la particularité hautement précieuse qu’il peut faire bouger un objet sans même le toucher. Et dans un moteur, ça nous intéresse beaucoup. Car ce talent implique qu’on peut faire tourner un rotor sans contact direct, et donc avec des frottements minimes.
L’idée qui sous-tend les moteurs brushless est donc très intuitive :
De cette manière, on a généré une rotation, comme sur l’image suivante.
Pour autant, après avoir vu cette image, on comprend bien que ça ne suffit pas pour fabriquer un moteur. Car dans cette image, il est bien difficile d’identifier le rotor et le stator. Ça ressemble plus à une roue de la fortune améliorée.
Il ne reste donc qu’à reprendre cette idée et à l’intégrer dans un rotor et un stator.
Et voilà à quoi ça ressemble, en GIF :
On voit très bien les aimants que nous avons installés sur le rotor, et les aimants qui tournent dans le stator. Par le mouvement des aimants implantés dans le stator, on arrive à faire tourner le rotor.
On a donc respecté le contrat, car on obtient bien un moteur qui tourne.
Manque de chance, ce montage n’est pas réaliste.
Car s’il est facile de fabriquer le rotor (on peut parfaitement intégrer ce qu’on appelle des aimants permanents – qui sont des aimants comme on les connaît tous – à sa surface), on ne sait pas fabriquer le stator à partir d’aimants permanents.
Car comme son nom l’indique, l’aimant permanent ne peut pas s’éteindre. Il est permanent.
C’est ici qu’intervient le dernier maillon du moteur brushless : l’électroaimant.
Les électroaimants tirent leur existence d’une propriété que j’ai étudiée en classe préparatoire scientifique, et que j’ai détestée sur le moment. Pour cause, elle m’a valu quelques mauvaises notes et son simple nom me provoquait des sueurs froides le long de l’échine.
Cette propriété, c’est l’induction électromagnétique.
Mais rassurez-vous : aujourd’hui, j’aime d’un amour sincère cette induction électromagnétique.
D’abord, car elle est très élégante. Et ensuite, car elle n’est pas si difficile à comprendre. Elle consiste en effet à constater que lorsqu’un fil est traversé par de l’électricité, un champ magnétique est créé autour de ce fil.
On dit alors qu’il est induit, d’où le nom de « l’induction magnétique ».
Voilà à quoi ça ressemble :
Pour le moment, l’aspect salvateur de cette propriété n’est pas si évident.
Car comme vous pouvez le voir sur l’image, le champ magnétique créé autour du fil est circulaire. Autrement dit, lorsqu’un courant passe dans un fil rectiligne, il crée un champ circulaire.
Intéressant, non ?
On pourrait en effet se dire que si on faisait passer un courant dans un fil circulaire, ça créerait un champ magnétique rectiligne. Et l’intérêt du champ magnétique rectiligne, c’est qu’il part d’un pôle sud pour pointer vers un pôle nord.
Bingo, c’est exactement l’idée qui se cache derrière l’électroaimant.
Car des fils circulaires, on sait faire.
Il suffit d’enrouler un fil autour d’un cylindre (dans un matériau perméable magnétiquement pour laisser passer le champ magnétique), puis de l’alimenter avec de l’électricité.
Et paf, la bobine ainsi obtenue se transforme en électroaimant.
On voit très bien que notre électroaimant est bien doté d’un pôle sud et d’un pôle nord.
Incroyable.
Mieux encore, cet électroaimant se paie le luxe d’avoir une autre propriété sublime. C’est que selon le sens du courant (il peut partir du fil de l’extrémité du fil en haut vers celle du bas, et inversement), le pôle sud peut être en haut de l’aimant ou en bas de l’aimant.
Autrement dit, on peut inverser la polarité de l’électroaimant à tout moment, en choisissant le sens du courant. Et on peut même l’éteindre, en éteignant carrément le courant. De quoi faire honte à tous les aimants permanents du monde.
Il ne reste donc qu’à intégrer ces électroaimants au stator du moteur brushless pour que la magie opère.
Et si vous ne me croyez pas, je vous laisse vérifier par vous-même.
Commençons par installer les électroaimants dans le stator du moteur que nous avons dessiné avant.
Si on se rappelle que l’électroaimant n’est rien d’autre qu’un bout de métal (on parle d’une dent[1]) entouré par une bobine, voilà à quoi ressemble notre moteur :
Dans ce schéma, on retrouve bien le rotor avec ses deux pôles (nord et sud) qui appartiennent à des aimants permanents. Et on a modifié le stator, puisqu’on a ajouté 6 électroaimants qu’on numérotés (et donc 6 dents).
La suite, c’est de retenir que les électroaimants doivent fonctionner par paires.
Car si on veut faire tourner le rotor avec autant d’efficacité que possible, le mieux est de synchroniser les électroaimants qui sont en vis-à-vis (le 1 et le 4, le 2 et le 5, le 3 et le 6) pour que l’un des deux présente un pôle nord et que l’autre présente un pôle sud.
Ainsi, si mon objectif est de faire tourner le rotor de 30 degrés, je serais bien inspiré d’allumer simultanément l’électroaimant 6 en pôle nord et l’électroaimant 3 en pôle sud :
Et voilà le travail !
Il ne reste alors qu’à brancher tout ça à une batterie ou sur une prise électrique pour que ça fonctionne. Ou peut-être que je vais trop vite en besogne ?
Oui, malheureusement.
Car en réalité, il y a deux détails importants que j’ai passés sous silence.
Le premier détail oublié, c’est que dans la vraie vie, le rotor est recouvert de beaucoup plus d’aimants permanents.
Ça se compte en dizaines, et non pas seulement 2 comme sur notre schéma précédent.
Pour cause : plus il y a d’aimants (de pôles d’aimants plus précisément) sur le rotor, plus la force d’entraînement est grande.
Et donc plus notre moteur brushless fournit de la puissance mécanique.
Nous pouvons donc reprendre notre schéma, et ajouter 2 pôles d’aimant permanent supplémentaires. C’est moins que dans la réalité mais je manque de place. Et puis c’est déjà plus réaliste comme ça :
C’est déjà beaucoup mieux.
On dit alors du moteur brushless que nous avons dessiné qu’il est équipé de 4 pôles (2 pôles sud, 2 pôles nord). Mais les pôles que nous venons d’ajouter n’ont pas comme seule incidence de nous approcher de la réalité.
Ils changent aussi notre compréhension des électroaimants en vis-à-vis.
En effet, nous avons dit juste avant que les électroaimants qui se faisaient face devaient s’allumer en même temps, en présentant un pôle nord et un pôle sud.
Or maintenant, ce n’est plus le cas. Il faut que lorsqu’ils s’allument, ils aient la même polarité (soit sud & sud, soit nord & nord).
Et si vous ne voyez pas très bien pourquoi (c’était mon cas aussi), le schéma suivant risque de vous convaincre :
On voit en effet que si on avait laissé l’électroaimant 6 en pôle nord, le rotor n’aurait pas voulu tourner. L’information aurait été contradictoire pour lui, car il aurait été à la fois attiré et repoussé, le laissant parfaitement immobile.
Ce qui n’est vraiment pas la situation préférée du rotor.
Alors que si les deux électroaimants ont la même polarité, le rotor tourne.
Ça, c’était pour le premier détail que j’ai omis.
C’était le détail qu’il n’était pas forcément grave d’omettre. En revanche, le deuxième détail était un peu plus embêtant. Car si on l’oublie, on obtient un moteur brushless pas particulièrement performant.
En effet, les électroaimants que j’ai dessinés sont un peu trop simplifiés.
Cette simplification, c’est que les bobines qui entourent les dents ne s’enroulent jamais autour d’une seule dent. On préfère en effet que les bobines enveloppent plusieurs dents. Autrement dit, il arrive que 1 électroaimant = 3 dents.
Je sais, ça complexifie les choses.
Mais voilà, on est ici pour aller dans les détails, et pour comprendre exactement comment fonctionnent les moteurs brushless. Alors reprenons le moteur que nous avons dessiné plus haut, et traduisons cette équation (1 électroaimant = 3 dents) en un schéma.
Par recherche de lisibilité, j’ai fait le choix de « simplifier » le stator.
Il n’est maintenant parcouru que de 4 électroaimants (il y en avait 6 tout à l’heure). Ainsi, si le stator est garni de 4 électroaimants, ça veut dire qu’il est constitué de 12 dents (4 électroaimants fois 3 dents, vous connaissez votre table de 4).
Ce qui nous amène à ce petit bijou :
On voit très bien les 12 dents et les 4 électroaimants, qui s’accaparent 3 dents chacun.
Si on veut faire tourner le rotor, il ne reste alors qu’à allumer les électroaimants avec la bonne polarité (nord ou sud). Ici, l’idée sera d’allumer les électroaimants 2 et 4 en pôle nord, et les électroaimants 1 et 3 en pôle sud.
Et si on veut que notre rotor continue sa folle rotation, il suffira d’inverser les polarités au bon moment.
Élémentaire, non ?
Oui.
Mais c’est encore un peu trop simple. Et cette fois, c’est parce qu’il y a trop peu d’électroaimants. Le résultat de ce nombre trop faible, c’est que le rotor du moteur brushless risque de ne jamais commencer à tourner.
Imaginons en effet que le rotor se soit arrêté dans la position que j’ai dessinée juste au-dessus. Par malchance, il a autant envie de tourner dans le sens des aiguilles d’une montre que dans le sens contraire de ces mêmes aiguilles de cette même montre.
Comment faire, dès lors ?
Ajouter des électroaimants, sans aucun doute.
Mais cette fois, on ne va pas les rajouter côte à côte. On va plutôt rajouter des fils à l’entrée de notre moteur brushless. Plus précisément, on va en rajouter deux, pour qu’il y ait 3 fils qui alimentent notre moteur.
La raison d’être de ces 3 fils est simple : les moteurs brushless sont composés de 3 phases dans leur écrasante majorité.
Ainsi, 3 fils = 3 phases.
Certes, mais c’est quoi une phase ?
Pour simplifier, je dirais que c’est un fil. Jusqu’à présent, notre moteur n’était composé que d’une phase, car les 4 électroaimants que nous avons installés côte à côte dans le stator étaient en réalité constitués du même fil.
Il suffisait alors d’enrouler dans le même sens les électroaimants qui avaient la même polarité, et inverser le sens d’enroulement pour les autres électroaimants.
Autrement dit, les électroaimants 1 et 3 étaient enroulés dans un sens, et les électroaimants 2 et 4 étaient enroulés dans l’autre sens. De cette manière, on pouvait les alimenter avec la même électricité.
Le problème, nous l’avons vu, c’est que cette situation n’était pas tenable.
Il fallait rajouter des électroaimants. Et plutôt que de multiplier les électroaimants dans une seule phase, le mieux est d’ajouter des phases.
Il y a deux raisons à ça.
La première, c’est qu’on peut plus facilement multiplier les électroaimants, car le bobinage est beaucoup plus simple.
Le schéma illustre parfaitement ce point : on peut voir que notre moteur brushless est constitué de 12 électroaimants (au lieu de 4 précédemment), sans pour autant que les bobines soient compactées les unes contre les autres.
La deuxième raison qui nous pousse à ajouter des phases, c’est que par définition, une phase est indépendante des autres phases.
C’est-à-dire que chaque phase (et donc chaque fil) est alimentée exactement comme on le souhaite, sans être nécessairement indexée à l’alimentation des autres fils. On peut donc décider d’éteindre les électroaimants de la phase 1 quand on veut, pendant que les autres sont allumés.
Et on peut aussi créer un décalage dans le signal qu’on envoie aux différentes phases.
C’est d’ailleurs ce décalage qui nous intéresse.
Car grâce à lui, on peut commander très facilement le moment où les électroaimants doivent s’allumer et s’éteindre, phase après phase. Il suffit pour ça de savoir où se trouve le rotor, ce qu’on sait faire grâce à des capteurs qui fonctionnent grâce à ce qu’on appelle l’effet Haul[2].
Il ne reste plus qu’à mettre tout ça en application, et la magie opère :
Le moteur brushless tourne.
Et cette fois, il tourne sans aucune simplification outrancière. En effet, le GIF que vous voyez valser au-dessus est certainement celui qui décrit le plus précisément le fonctionnement d’un moteur brushless, sans entrer dans des considérations trop techniques.
Autrement dit : félicitations, vous savez comment fonctionnent les moteurs brushless.
Mais connaissez-vous les différents types de moteurs brushless ?
Savez-vous pourquoi on dit qu’ils sont synchrones ?
Et savez-vous pourquoi portent-ils ce nom qu’on peut traduire par « sans balai » ?
Enfin, connaissez-vous la différence entre un moteur brushless et un moteur à courant continu ?
Autant de questions auxquelles nous allons devoir répondre avant de répondre aux autres questions, un peu plus ambitieuses. Et autrement plus importantes.
Ces questions ne sont pas de la plus haute importance pour comprendre le fonctionnement des moteurs brushless.
J’ai décidé de les lister, et de vous laisser le choix de lire les réponses en déroulant ou non les explications.
Les moteurs brushless peuvent se présenter sous diverses formes[3].
Pour cause, il en existe qui ne tournent pas mais qui coulissent linéairement. On appelle ça des moteurs linéaires, et ils peuvent servir dans des machines-outils pour lesquelles on a besoin de translations rapides.
Quoi qu’il en soit, ce ne sont évidemment pas ces moteurs qui nous intéressent.
Nous, on se focalise sur les moteurs qui tournent. Et il en existe de 4 formes différentes.
Les deux premières sont dites « à flux radial », les deux autres sont dites « à flux axial ». Il est d’ailleurs possible que vous ayez vu passer ces noms dans quelques pages produits de véhicules électrique, sans pour autant que les constructeurs n’aient pris le temps d’expliquer ces termes.
C’est donc ce que nous allons corriger dès à présent.
D’abord, les moteurs brushless à flux radial.
Pourquoi eux ? Simplement car ce sont ceux que nous connaissons le mieux, puisque le moteur que nous avons dessiné plus haut est un moteur à flux radial.
En effet, on décrit le moteur brushless à flux radial grâce au sens par lequel le stator transmet son champ magnétique au rotor afin de le faire tourner.
Dans ce moteur, ce sens est radial. C’est-à-dire qu’il se fait dans le sens du rayon, du stator vers le rotor. Autrement dit, ça revient à mettre un cylindre dans un autre cylindre, et d’en faire tourner un.
Mais comme le schéma précédent l’illustre, il existe deux manières de faire.
Et c’est parfaitement logique. Puisque si le moteur brushless à flux radial consiste à mettre un cylindre dans un ordre, il y a deux combinaisons possibles : la combinaison dite inrunner où le rotor est le cylindre à l’intérieur, et la combinaison outrunner où le rotor est le cylindre à l’extérieur.
Ces deux moteurs brushless ont leurs avantages.
En effet, le moteur brushless à flux radial inrunner (le plus courant) permet de refroidir facilement les électroaimants et de protéger le rotor de potentiels chocs. Tandis que le moteur brushless à flux radial outrunner garantit un meilleur couple.
Voilà donc pour les deux premières formes de moteurs brushless.
Les deux autres formes que peuvent prendre les moteurs brushless sont celles à flux axial.
Si on les appelle ainsi, c’est par opposition à ceux que nous avons vu au-dessus : le sens de transmission du champ magnétique est axial. C’est-à-dire qu’il est dans le sens de l’axe des cylindres.
Plus prosaïquement, ça revient à mettre des cylindres à côté d’autres cylindres.
Parmi les moteurs brushless à flux axial, on peut trouver deux formes :
On imagine très bien que la deuxième solution est plus performante, mais aussi plus chère.
La raison d’être des moteurs brushless à flux axial, c’est qu’ils sont plus faciles à refroidir que leurs homologues à flux radial. Ce qui leur permet de garantir un meilleur rendement et un volume inférieur pour une puissance égale[4].
Voilà donc qui est fait.
Maintenant, vous saurez en effet ce que veulent dire les constructeurs quand ils parlent de flux radial et axial.
Mais nous n’en avons pas fini. Car il me reste d’autres questions à élucider, comme celle du terme « synchrone ».
On décrit le moteur brushless comme un moteur synchrone car son rotor tourne à la même vitesse que le champ magnétique créé par les électroaimants du stator[5].
En effet, comme nous l’avons vu plus haut, le rotor suit directement les stimulations des électroaimants. On dit donc qu’il y a une synchronisation entre son champ magnétique (créé par ses aimants permanents) et le champ magnétique du stator (créé par les électroaimants).
Mais pourquoi faire cette différence ?
Pour une raison très simple : c’est qu’il existe d’autres technologies de moteur qui ne suivent pas cette stratégie de synchronisation. Ces derniers sont donc appelés « moteurs asynchrones » (ou « moteur à induction »).
Les moteurs asynchrones font d’ailleurs partir des grands concurrents des moteurs brushless dans la mobilité électrique, puisque ce sont eux qui ont fait connaître le Tesla d’Elon Musk.
Quoi qu’il en soit, c’est à peu près tout ce qu’il y a à savoir sur le terme de « moteur synchrone ».
Mais en lisant la littérature scientifique sur le sujet, je me suis rendu compte qu’il y a un détail que je n’avais pas évoqué plus haut.
Ce détail, c’est le AC/DC.
Et si vous pensez qu’il s’agit du groupe de musique australien, c’est qu’il est vraiment nécessaire que je vous en parle avant d’évoquer la question du « sans balai ».
Cette différence est directement explicitée dans leur nom. Car AC/DC signifie « Alternative Current/Direct Current » (pour « courant alternatif/courant continu »). Il existe donc des moteurs à courant alternatif (CA ou AC) et des moteurs à courant continu (CC ou DC).
(Par ailleurs, voici un fun fact : le groupe de hard rock s’appelle « AC/DC » justement en référence à cette nuance.)
Et cette différence est de la plus haute importance.
Si vous vous souvenez du schéma que nous avons vu un peu plus haut, vous savez que les électroaimants inversent leur polarité (nord/sud) et s’éteignent à la demande pour entraîner le rotor en rotation.
Sans courant alternatif, on ne pourrait pas faire ça.
Car pour arriver à inverser la polarité d’un électroaimant et l’éteindre à intervalles réguliers, il faut que le courant fasse des vagues. Qu’il passe en négatif, puis en positif, puis à nouveau en négatif.
Or c’est justement la définition du courant alternatif.
Le moteur brushless est donc un moteur qui fonctionne grâce à un courant alternatif.
Note : Le moteur brushless est souvent confondu avec un autre type de moteur, le moteur synchrone à aimant permanents, qui lui ressemble beaucoup. Leur différence réside essentiellement dans la forme des vagues de courant (rectangulaires pour le moteur brushless, sinusoïdales pour l’autre).
À l’inverse du courant alternatif, le courant continu ne fait aucune vague. Il est complètement stable.
Les moteurs à courant continu sont donc alimentés par un courant qui ne fait aucune ondulation. Ce qui fait déjà une première différenciation très claire entre les moteurs à courant alternatif et à courant continu. Mais ça ne fait pas de surprise, car leur nom est transparent sur ce sujet.
En revanche, il y a une autre différence notable, beaucoup moins visible et pourtant tout aussi importante.
C’est que les moteurs CC (à courant continu donc) sont montés à l’inverse des moteurs CA (à courant alternatif) :
Et si cette différence est si importante, c’est qu’elle change considérablement un détail logistique.
Ce détail, c’est qu’il faut bien alimenter les électroaimants des moteurs CC. Or les électroaimants sont intégrés dans le rotor cette fois. Manque de chance, le rotor tourne. Et il tourne vite.
Comment faire, dès lors, pour lui transmettre de l’électricité ?
Avec ce qu’on appelle des balais (« brush » en anglais), qui sont des petites plaquettes en carbone (ou en charbon). Leur objectif est de frotter contre le rotor (au niveau de ce qu’on appelle le « collecteur ») pour lui transmettre l’électricité par contact physique.
C’est alors le collecteur qui inverse la polarité des électroaimants, pour faire tourner le rotor.
Voilà donc la dernière différence entre les moteurs brushless (qui sont des moteurs CA) et les moteurs CC.
Mais une information doit vous chiffonner ici.
C’est que le moteur qu’on étudie depuis le début est un moteur brushless. Et si vous savez traduire l’anglais autant que moi, vous savez que ça signifie littéralement « sans balai ».
Alors pourquoi le nommer ainsi ? Pourquoi faire cette précision ?
La réponse est dans le nom complet des moteurs brushless : BLDC. Pour « brushless direct current » (alors que le moteur brushless est un moteur à courant alternatif).
Explosion de cerveau.
Mais ne vous inquiétez pas, je vais tout vous expliquer.
Plus haut (dans un autre paragraphe à dérouler), je vous ai dit que le moteur brushless ressemblait beaucoup au moteur synchrone à aimants permanents. Je vous ai alors dit que la seule différence résidait dans la forme des vagues de courant : rectangulaire pour le moteur brushless contre sinusoïdale pour l’autre.
C’est justement cette forme du courant qui donne son nom au moteur brushless.
Car les autres moteurs dont les électroaimants sont alimentés par un courant rectangulaire sont les moteurs CC. Pour cause, quand le collecteur inverse la polarité du courant, il crée une vague carrée.
Et c’est la seule raison pour laquelle on décrit le moteur brushless ainsi.
Autrement dit, le moteur brushless est un moteur CA comme les autres, sauf qu’il reproduit le comportement d’un moteur CC. Mais l’avantage qu’il présente sur le moteur CC, c’est qu’il fait le même travail sans avoir besoin de balai, dont le frottement réduit le rendement du moteur.
C’est donc la seule parenté entre les moteurs brushless et les moteurs CC.
Et je trouve qu’on aurait largement pu éviter ce casse-tête, en les appelant autrement. Mais que voulez-vous, certains aiment s’arracher les cheveux.
Avec ces quelques questions, vous savez tout ce qu’il y avait à savoir sur le fonctionnement des moteurs brushless. Ou du moins les notions les plus importantes.
Pour autant, nous n’avons certainement pas fini notre enquête sur les moteurs brushless.
Car c’est certes très grisant de connaître leur fonctionnement, mais ça n’est pas suffisant.
Encore faut-il comprendre pourquoi ils présentent une telle hégémonie sur tant de domaines. Et plus important encore, il serait de bon ton de savoir si le marché de la mobilité électrique va à son tour être conquis par ces redoutables moteurs.
Pour cause, ce marché est d’une vastitude homérique, et le prochain Rothschild sera certainement celui qui saura approvisionner ce marché en moteurs électriques.
Autant dire que le jeu en vaut la chandelle.
Les moteurs brushless sont partout : dans les vélos électriques, dans les perceuses, dans les voitures électriques, dans les machines industrielles sous forme de motoréducteurs brushless, et même dans les drones.
Cette omniprésence n’est certainement pas un hasard.
Car le moteur brushless réussit l’exploit de rassembler un nombre incalculable d’avantages, allant de ses performances à son prix. Mais il serait bon de vérifier si, oui ou non, cette hégémonie est une nouvelle catastrophe écologique.
Ici, il faut se rendre compte que lorsque les moteurs brushless sont arrivés sur le marché, ils ont tout conquis.
Pour comprendre leur invasion, il suffit de lire les travaux scientifiques parus au début des années 2000, comme cette thèse[6] et cette présentation[7].
Ils répètent tous la même chose :
En termes plus scientifiques, on dit donc que le moteur brushless affiche une excellente courbe de rendement, une excellente densité de puissance, et une excellente puissance spécifique.
C’est un peu opaque pour le moment ?
En effet.
Alors débroussaillons ces 3 termes et voyons ce qu’ils veulent dire.
Note : je précise qu’à partir d’ici, je ne vais m’intéresser qu’aux gros moteurs brushless. Ceux qui peuvent servir dans les véhicules électriques (moto, voiture, avion). Les chiffres que je vais donner seront donc différents de ceux qu’on trouve dans les moteurs miniaturisés.
Déjà, définissons ces deux termes :
Le meilleur moteur est donc celui qui garantit le plus gros chiffre pour ces deux mesures.
Et sur ce point, les moteurs brushless (et toutes leurs variations, comme les moteurs à réluctance de Tesla) sont les meilleurs. Ils ont en effet bénéficié de 20 ans d’optimisation constante, ce qui les rend supérieurs aux moteurs à courant continu et aux moteurs asynchrones.
Mais vous allez vite vous rendre compte que tout le monde n’est pas logé à la même enseigne.
Par exemple, le champion des moteurs est celui de la Tesla Model 3.
Avec une densité de puissance de 38 kW/L[8] et une puissance spécifique de 4,5 kW/kg[9], le moteur de la Model 3 dépasse toute la concurrence sans sourciller :
On observe aussi sur l’image précédente que la grande perdante est sans aucun doute la A3 e-tron, qui souffre d’un moteur un peu lourd. Et comme par hasard, le moteur de la e-tron n’est pas un moteur brushless mais un moteur à induction.
Par ailleurs, plus proches de ma spécialité, les moteurs de Zero Motorcycles ne sont pas beaucoup plus performants puisque leur score est de 1,28 kW/kg[10].
Note : Les moteurs brushless que certains comptent installer sur les avions affichent des performances proches[11] de celles que nous avons citées à l’instant. Autrement dit, même avec la meilleure volonté du monde, il est difficile de faire beaucoup mieux que le moteur de la Model 3.
Note (bis) : L’étude que je viens de citer donne la puissance spécifique qu’on trouve généralement chez les moteurs de voitures thermiques. Et sans surprise, elle est inférieure à celle qu’on trouve chez tous les véhicules électriques qu’on vient de citer, puisqu’elle n’est « que » de 0,9 kW/kg.
En somme, les moteurs brushless ont une puissance spécifique et une densité de puissance imprenable.
Ou dit autrement, ce sont eux qui permettent de produire les plus hautes puissances dans un volume maîtrisé et avec un poids modeste.
Pour autant, ces deux mesures ne sont pas les seules à mériter notre attention.
En effet, vous n’êtes pas sans savoir qu’un des enjeux des véhicules électrique se situe dans leur autonomie. Et si on a le moteur qui garantit la plus grande densité de puissance du monde mais qu’en même temps, il gaspille 50% de l’électricité qu’on lui transmet, alors il ne vaut rien.
Car s’il nous impose d’installer une batterie 2 fois plus lourde que prévu, on n’aura que faire de sa densité de puissance phénoménale. Il s’agit donc de vérifier que les moteurs brushless ne perdent pas trop d’électricité.
Plus scientifiquement, ça veut dire qu’on va devoir regarder leur rendement.
L’intérêt des moteurs électriques, c’est qu’ils dépassent de la tête et des épaules les moteurs thermiques en termes de performances.
Nous l’avons vu juste avant (dans la note bis) avec la puissance spécifique des moteurs à combustion interne, inférieure à celle des moteurs brushless. Mais les moteurs brushless ne s’arrêtent pas là, puisqu’ils affichent aussi un rendement bien supérieur à celui des moteurs thermiques.
En effet, on dit souvent que le rendement des moteurs électriques est supérieur à 90% alors que les meilleurs moteurs thermiques atteignent péniblement 50% de rendement[12].
Autrement dit, les moteurs brushless perdent en moyenne 10% de l’énergie qui leur est fournie, quand les moteurs à combustion interne en gaspillent la moitié.
Mais en réalité, c’est un peu plus complexe que ça.
Car au même titre que pour les moteurs thermiques, le rendement des moteurs brushless évolue selon ce qu’on leur demande. En effet, selon le couple (donc la force) qu’on leur demande et le régime espéré, on perdra plus ou moins d’électricité.
Et le rendement sera plus ou moins grand.
L’image suivante[13] donne cette évolution du rendement d’un moteur brushless de 175 kW, en fonction du couple et du régime.
Ce qu’on peut y voir est très clair :
Et non content de gaspiller beaucoup moins d’énergie que le moteur thermique, le moteur bruhsless est aussi plus économe que tous les autres moteurs électriques (asynchrones[14] et à courant continu – même si l’écart est de seulement quelques pourcents).
Autrement dit, vous ne pouvez pas trouver plus performant qu’un moteur brushless.
Mais il y a une dernière particularité des moteurs brushless qui est permise par cette évolution du rendement. Cette particularité, c’est que le législateur a aujourd’hui beaucoup de difficultés à savoir quelle est la puissance réelle du moteur d’un véhicule électrique.
Je vais vous en dire deux mots, et vous allez voir pourquoi certains identifient une opportunité ici.
Le flou juridique autour du moteur brushless
Pour comprendre l’inconfort du législateur, il suffit de voir un graphique tiré de l’étude citée juste avant[13].
Sur ces courbes, on peut voir l’évolution du couple et de la puissance transmise par le moteur en fonction de sa vitesse de rotation. Or plutôt que d’afficher deux courbes (une courbe de puissance et une courbe de couple), on voit 4 courbes : 2 courbes de puissance, et 2 courbes de couple.
Il suffit alors de lire ce qui est écrit au-dessus de ces deux courbes pour apercevoir leurs différences :
Aujourd’hui, tous les fabricants de moteurs brushless donnent ces deux courbes.
Ils le font car ça permet à celui qui achète le moteur de savoir où se trouve la zone de rendement maximal, et où se trouvent les limites du moteur.
La question est alors la suivante : pour le législateur, quelle est la puissance qui doit être écrite sur la carte grise du véhicule ?
Aujourd’hui, le législateur bafouille.
Et pour une raison que je ne comprends pas, il semble laisser le choix aux constructeurs de véhicules électriques :
D’après vous, quelle est la solution préférée des constructeurs de véhicules électriques ?
Évidemment, la deuxième.
Car ça leur permet de donner n’importe quel chiffre de puissance.
Ce que je ne comprends décidément pas, car le chiffre donné par les constructeurs de moteurs électriques est lui aussi mesuré sur un banc, par des spécialistes. L’industrie automobile est pleine de ressources !
En somme, les performances des moteurs brushless sont imprenables.
Mais cette supériorité n’est pas sans conséquences. Car jusqu’à présent, je n’ai fait qu’étaler leurs performances remarquables. Maintenant, je vais tâcher de transformer ce que j’ai dit en bénéfices sur l’usage des véhicules électriques.
Et vous comprendrez un peu mieux leur monopole sur ce marché.
Si les moteurs brushless sont les moteurs les plus utilisés dans le marché des véhicules électriques, c’est pour plusieurs raisons. D’abord parce qu’ils sont performants, ensuite car ils ne sont pas si chers – mais ce ne sont pas ces raisons qui importent le plus.
La raison qui me semble la plus importante, c’est qu’ils facilitent la vie des constructeurs.
En effet, vous le savez autant que moi, l’autonomie des véhicules électriques est leur plus grand défi. Car pour l’heure, la mobilité électrique souffre de la comparaison avec les équivalents thermiques en termes d’autonomie.
Et pour régler ce problème, il n’y a pas de secret : il faut travailler comme des acharnés sur les batteries. Afin de réduire leur poids, augmenter leur capacité de stockage à poids égal et maximiser la puissance qu’elles sont capables de fournir.
Autrement dit, les batteries sont souvent l’obsession des constructeurs.
Et c’est justement ici que les moteurs brushless sont des facilitateurs : ils permettent de fournir la puissance désirée avec un encombrement incomparable. De cette manière, ils permettent de libérer de l’espace pour la batterie, en faisant le travail avec une remarquable efficacité.
Alors certes, ce n’est pas intuitif.
Mais en plus de fournir de la puissance, les moteurs brushless permettent d’allonger l’autonomie des véhicules électriques.
Qu’espérer de mieux ?
Rien, c’est imbattable.
Et ça ne s’arrête pas là. Car je l’ai évoqué plus haut : le moteur brushless peut aussi se targuer d’avoir un prix maîtrisé.
Il y a d’abord la théorie.
Selon elle, le moteur brushless souffre du prix des matériaux qui le composent. En effet, nous allons le voir plus loin, les aimants permanents qui font tourner les moteurs brushless sont composés de terres rares. Et les terres rares, c’est cher[15].
Si bien que si on compare le prix des matières premières avec les autres moteurs électriques, le moteur brushless s’en sort 25% moins bien que la concurrence[16].
Mais ça, c’est la théorie.
Et la pratique, une fois n’est pas coutume, diverge de la théorie. Car dans ces études, on étudie le prix des matières premières nécessaires aux moteurs brushless. On n’étudie pas le prix des moteurs brushless eux-mêmes.
On se dit que si les matières premières sont chères, le prix du moteur est forcément élevé.
Or ce n’est pas toujours vrai.
Par exemple, si le fabricant de moteurs brushless se trouve au même endroit que le producteur de matières premières, on peut imaginer que le prix du moteur ne soit pas si sensible au prix des matières premières.
Vous connaissez le business : celui qui se rémunère le mieux, c’est le vendeur de pelles lors de la ruée vers l’or.
Mais si le vendeur de pelle a aussi son équipe de chercheurs d’or, alors il a tout gagné.
L’or, et l’argent des pelles.
C’est exactement le cas des moteurs brushless : ce qui coûte cher dans les moteurs brushless, ce sont les terres rares qui composent leurs aimants permanents. Ces terres rares sont produites en Chine, comme nous le verrons après.
Et d’après vous, où se situent les meilleurs fabricants de moteurs brushless ?
En Chine, évidemment.
Si bien que si vous vous rendez chez les fabricants de moteurs brushless chinois, vous trouvez des moteurs brushless pour pas cher. Au hasard, il y a ce fabricant chinois, dont le moteur le plus puissant développe 50 kW en pic et coûte 1890$.
C’est infiniment modeste comme prix.
Sans compter que ce prix est le prix à l’unité.
Je vous laisse imaginer les effets de volume qu’on peut espérer en commandant toute une série de leurs moteurs. Sur ça, il n’y a pas de doute : les terres rares sont certainement chères, mais les moteurs brushless chinois ne le sont vraiment pas.
Et vous ne vous étonnerez pas d’apprendre qu’ils équipent beaucoup de véhicules électriques.
Ils sont imbattables.
Les moteurs brushless sont meilleurs que toute la concurrence. C’en est presque un miracle :
Mais ils ont un point faible.
Manque de chance, ce point faible est la raison d’être des véhicules électriques. Je parle évidemment de l’impact environnemental de ces moteurs, qui lui n’est vraiment pas miraculeux. Et c’est ce que nous allons voir dans cette dernière partie.
Les moteurs brushless ont certainement un avenir sublime devant eux. Mais ils ont 2 points faibles.
Le premier, c’est que les électroaimants qui les constituent sont constitués de cuivre.
C’est une faiblesse, car avec l’explosion à venir des ventes de véhicules électrique[17], nous allons devoir creuser de plus en plus dans les réserves de cuivre.
Or d’après l’excellent livre de Pablo Maniglier[18], la durée de vie des réserves rentables de cuivre s’élèverait à 37 ans si nous continuons les excavations au rythme actuel.
C’est déjà très peu.
Mais si nous passons par une accélération de la demande de 10% pendant 10 ans, cette durée de vie chuterait à 14 ans.
Ce qui est objectivement très inquiétant.
Autrement dit, si les moteurs brushless veulent équiper les véhicules électriques du futur, ils vont devoir régler ce problème du cuivre. Mais ils peuvent d’ores et déjà se rassurer : ils ne seront pas les seuls à vouloir le régler, car tous les autres moteurs électriques sont garnis de cuivre.
Ce premier point faible des moteurs brushless est donc partagé avec les autres moteurs électriques.
En revanche, ce n’est pas le cas de leur deuxième (et plus gros) point faible, qui réside dans les terres rares qu’on retrouve dans leurs aimants permanents.
Arrivés à ce stade de notre analyse, vous imaginez bien que je ne vais pas pouvoir faire une dissertation complète sur ce point faible. J’ai en effet consacré un article complet au sujet des terres rares, qui sont un réel problème sociétal.
Mais voici un résumé de ce que vous devez savoir :
Autrement dit, les terres rares sont une balle dans le pied des moteurs brushless.
Car elles leurs enlèvent toute prétention écologique ou sociale. Et ça pourrait leur coûter très cher, puisqu’il existe des technologies de moteurs sans terres rares, comme les moteurs à réluctance variable sans aimants permanents ou les moteurs à induction.
Je dois vous confier quelque chose.
Si j’ai produit toutes ces recherches, c’est dans un but très égoïste.
Je crois certes au partage du savoir, et je crois aussi que l’avenir des véhicules électriques passe par une compréhension fine par le public des enjeux de la mobilité. Mais ce partage des connaissances n’était pas le seul objectif de cet article.
En effet, je cherchais à répondre à une question : est-ce que je vais installer un moteur brushless sur ma moto électrique ? Ou est-ce que je vais préférer une alternative ?
Pour le moment, l’impact environnemental déplorable des terres rares me fait penser que je vais opter pour la deuxième solution. Car je crois que l’avenir de la mobilité électrique se situe dans un effort toujours plus grand vers la réduction de leur empreinte écologique.
Il faut dire que mon objectif est ambitieux : produire à un prix raisonnable une moto électrique 3 fois plus écologique que la concurrence.
Mais je ne suis pas encore fixé sur la technologie que je devrai utiliser.
Il me reste donc à étudier toutes les autres alternatives, que j’ai pu citer ici ou là tout au long de cet article. Si le sujet vous intéresse et si vous voulez savoir si je vais réussir à atteindre mon objectif, j’ai ce qu’il vous faut.
Je tiens en effet un journal de ma conception, dans lequel je répertorie tout ce que je découvre à propos du sujet passionnant des motos électriques et de la mobilité électrique en général. J’y parle d’autonomie, d’impact écologique des batteries et même de design de motos.
Pour le recevoir tous les matins, il vous suffit d’écrire votre adresse e-mail juste ici :
Inscrivez-vous à mon journal de bord pour comprendre toutes les étapes de conception d’une moto électrique — de l’élaboration du cahier des charges, à l’homologation d’un prototype industriel.
+2 000 ingénieurs, concepteurs & passionnés inscrits.
⚠️ Ne vous attendez pas au mode d’emploi d’une moto électrique, façon notice de montage IKEA. Dans ce journal de bord, vous trouverez toute mon aventure : mes avancées, mes échecs et bien sûr, le bilan de mon expérience de prototypage de véhicules électriques.
On se retrouve de l’autre côté !
[1] D. Ishak, Z. Q. Zhu, et D. Howe, « Influence of slot number and pole number in fault-tolerant brushless dc motors having unequal tooth widths », Journal of Applied Physics, vol. 97, no 10, p. 10Q509, mai 2005, doi: 10.1063/1.1854292.
[2] G. Scelba, G. De Donato, M. Pulvirenti, F. Giulii Capponi, et G. Scarcella, « Hall-Effect Sensor Fault Detection, Identification, and Compensation in Brushless DC Drives », IEEE Transactions on Industry Applications, vol. 52, no 2, p. 1542‑1554, mars 2016, doi: 10.1109/TIA.2015.2506139.
[3] D. Kura, « Brushless Permanent Magnet Motor Design Second Edition », Consulté le : juin 17, 2021. [En ligne].
[4] S. C. Oh et A. Emadi, « Test and simulation of axial flux-motor characteristics for hybrid electric vehicles », IEEE Transactions on Vehicular Technology, vol. 53, no 3, p. 912‑919, mai 2004, doi: 10.1109/TVT.2004.827165.
[5] L. Guzzella et A. Sciarretta, Vehicle Propulsion Systems: Introduction to Modeling and Optimization, 3e éd. Berlin Heidelberg: Springer-Verlag, 2013. doi: 10.1007/978-3-642-35913-2.
[6] N. Achotte, « Conception, optimisation et dimensionnement d’un micromoteur planaires à aimants permanent pour drones miniatures en vol stationnaire », phdthesis, Université Joseph-Fourier – Grenoble I, 2005. Consulté le : juin 21, 2021.
[7] « Modern electric propulsion systems for small MAV’s ». Consulté le: juin 21, 2021. [En ligne].
[8] A. Acquaviva, « High Performance Cooling of Traction Brushless Machines », Chalmers University of Technology, 2021. Consulté le: juin 21, 2021. [En ligne].
[9] A. Krings et C. Monissen, « Review and Trends in Electric Traction Motors for Battery Electric and Hybrid Vehicles », in 2020 International Conference on Electrical Machines (ICEM), août 2020, vol. 1, p. 1807‑1813. doi: 10.1109/ICEM49940.2020.9270946.
[10] J. Friedand, S. Denuit, J. Borofka, Zero Motorcycles, Inc, et California Energy Commission, Éd., Zero Motorcycles’ advanced electric vehicle powertrain development and pilot manufacturing in California: final project report. Sacramento, Calif.: California Energy Commission, 2020.
[11] R. C. Bolam, Y. Vagapov, et A. Anuchin, « A Review of Electrical Motor Topologies for Aircraft Propulsion », in 2020 55th International Universities Power Engineering Conference (UPEC), sept. 2020, p. 1‑6. doi: 10.1109/UPEC49904.2020.9209783.
[12] H. Liu, J. Ma, L. Tong, G. Ma, Z. Zheng, et M. Yao, « Investigation on the Potential of High Efficiency for Internal Combustion Engines », Energies, vol. 11, no 3, Art. no 3, mars 2018, doi: 10.3390/en11030513.
[13] P. Liu et S. Feng, « Integrated Motor and Two-speed Gearbox Powertrain System Development for Electric Vehicle », in 2020 IEEE Energy Conversion Congress and Exposition (ECCE), oct. 2020, p. 1499‑1504. doi: 10.1109/ECCE44975.2020.9236397.
[14] H. Karkkainen, L. Aarniovuori, M. Niemela, et J. Pyrhonen, « Converter-Fed Induction Motor Efficiency: Practical Applicability of IEC Methods », IEEE Industrial Electronics Magazine, vol. 11, no 2, p. 45‑57, juin 2017, doi: 10.1109/MIE.2017.2693421.
[15] J. D. Widmer, R. Martin, et M. Kimiabeigi, « Electric vehicle traction motors without rare earth magnets », Sustainable Materials and Technologies, vol. 3, p. 7‑13, avr. 2015, doi: 10.1016/j.susmat.2015.02.001.
[16] S. R. K. S. and S. Murugan, « Design and Performance Comparison of Permanent Magnet Brushless Motors and Switched Reluctance Motors for Extended Temperature Applications », Progress In Electromagnetics Research M, vol. 67, p. 137‑146, 2018, doi: 10.2528/PIERM18022502.
[17] B. Ballinger et al., « The vulnerability of electric vehicle deployment to critical mineral supply », Applied Energy, vol. 255, p. 113844, déc. 2019, doi: 10.1016/j.apenergy.2019.113844.
[18] Métaux rares et terres rares. Comment réduire notre dépendance ? – Pablo Maniglier. Consulté le: juin 29, 2021. [En ligne].
[19] « Rare earths statistics and information – USGS ».
[20] J. C. K. Lee et Z. Wen, « Rare Earths from Mines to Metals: Comparing Environmental Impacts from China’s Main Production Pathways », Journal of Industrial Ecology, vol. 21, no 5, p. 1277‑1290, 2017, doi: 10.1111/jiec.12491.
Si vous ne trouvez pas les réponses à vos questions…
Mon adresse e-mail est publique, et vous pouvez m’écrire à tout moment. La voici : julien@construire-sa-moto-electrique.org. Vous pouvez également me contacter via ce formulaire.
sur un moteur cadre le rotor est au milieu est le stator autour , alors que sur le moteur roue c’est inverse , et l’avantage sur moteur roue , pas de transmission chaine ou courroie , donc plus fiable sans transmission , et moins de perte énergie , mais toujours des terres rares . après attention un moteur roue est très bien pour des équivalentes 125cm3 , car après le poids de la roue sera importante , donc l’effet gyroscopique sera pas bon pour les changement d’angle en trajectoire
Hello,
Petite coquille ici non ?
« La suite, c’est de se demander comment entraîner la rotation du stator. Il y a mille solutions possibles, que l’on retrouve dans les moteurs à combustion interne ou dans les turboréacteurs. »
Du rotor plutôt.
Bonne journée,
Bonjour Vincent,
Bien vu, je corrige ça de suite. Merci !
A la fréquence de l’alimentation.
En diminuant la tension source on diminue la puissance.
https://www.moussasoft.com/product/moteur-brushless-4300kv-3-t-5mm-maroc-casablanca-agadir
En effet 🙂
Bonjour,
À la fois motard (pour les balades) et écolo (mon principal mode de déplacement reste le vélo ; non électrique, je précise), je me retrouve totalement dans votre incroyable projet et je vous envie terriblement (j’aurais presque envie de faire partie de l’aventure ou bien de me lancer moi aussi là-dedans). En attendant, vos articles sont une véritable mine d’or d’informations et de vulgarisation, un grand bravo/merci pour tout ce travail que vous mettez à notre disposition.
Salut Chen,
Merci beaucoup pour ton commentaire !
Et je t’encourage à te lancer là-dedans, car quoi qu’il en ressorte, ça sera passionnant 😉
Bravo Julien,
super papier,
l’étape suivante qui est surement complexe également c’est le système de pilotage de puissance, mais peut etre s’agit il d’une boite noire dispo avec le moteur ?
Salut Éric,
Ça, c’est le rôle du contrôleur. Aujourd’hui je ne connais pas encore les subtilités de la choses mais je vais l’étudier en détails !